Grand Évangile de Jean

Tome 11

Chapitre 66

L’entrée à Jérusalem

 

1. Le lendemain matin, ils étaient tous frais et dispos des avant le lever du soleil, et nous sortîmes sans tarder.

2. Quand nous fumes dehors, Je rassemblai autour de Moi Mes disciples, les douze apôtres, et leur parlai ainsi : « Mes chers frères, aujourd'hui sera un jour de gloire pour le Fils de l'homme, parce que le Père le veut ainsi pour l'amour des hommes ! Pourtant, cela ne doit pas vous toucher au-delà de ce que permet l’esprit en vous, afin que vous ne deveniez pas pleins d'orgueil ! Aussi, fermez vos coeurs à toutes les suggestions inspirées par la vanité et par l’ambition, de peur que l’ennemi ne vous prenne en son pouvoir et ne fasse de vous ses instruments ! »

3. Les disciples, parmi lesquels se trouvait à nouveau Judas, rentre en se­cret à l’aube, Me demandèrent : « Seigneur, qu'entends-Tu par là, et comment nous protègerons-nous de l’ennemi ? »

4. Je dis : « Regardez, ouvrez vos âmes à la lumiere de la sagesse, et vous comprendrez ce qu'annonçaient les prophètes ! Et puis, aimez Dieu seul et non le monde, car c'est ainsi que vous vous protégerez de toutes les attaques. »

5. Alors, Me tournant dans la direction de Jérusalem, Je M'écriai : « Et toi, fille de Sion, prépare-toi à recevoir ton roi ! »

6. Sur ces paroles, le soleil se leva, brillant d'un éclat qu'on ne lui avait encore jamais vu, et, au même instant, Mes disciples - à l’exception de Judas, qui se tenait à l’écart - virent par les yeux de l’esprit apparaître dans les airs une grande cite à 1’image de la Jérusalem terrestre, mais d'une bien plus grande beaute. Les portes en étaient grandes ouvertes, et, à perte de vue, une foule de creatures humaines magnifiques se tenaient là, comme attendant l’arrivée d'un prince qui devait y entrer.

7. Cette vision spirituelle ne dura que quelques instants ; quand elle eut disparu, Je leur dis : « Le Fils est attendu là, et il y trônera désormais pour l’éternite. Il est juste que le Fils de l’homme soit éleve lui aussi. Venez, et suivez-Moi ! »

8. Pierre Me demanda si J'allais quitter Béthanie sans prendre congé et sans avertir Lazare ni ses soeurs.

9. Je répondis : « Sais-tu pourquoi cela est necessaire ? Je sais, Moi, ce qu'il faut que Je fasse, aussi, ne te soucie de rien ! Lazare et ses soeurs sauront bien nous retrouver le moment venu - ainsi que bien d'autres pour qui ce jour est necessaire. »

10. Alors, les disciples ne Me dirent plus rien, mais, tout surpris, ils chucho-taient entre eux, se demandant ce que signifiait Mon étrange attitude ; car ils ne M'avaient pas vu ainsi depuis longtemps. Mais Jean les exhorta à s'abstenir de toute parole et à faire en silence ce que Je demanderais, afin que rien ne pût arriver contre Ma volonté. Ils en firent tous la promesse, et Pierre, en particulier, jura haut et fort de Me suivre jusqu'en enfer, quand bien même il ne saurait pas pourquoi Je prenais ce chemin.

11. Ayant entendu ces paroles, Judas dit en souriant : « Ami, le Seigneur sait bien quel chemin Il doit suivre ! S'Il suit le chemin des envoyés de Dieu, ce n'est pas vers l’enfer, mais vers la gloire et l'honneur de Son peuple ! »

12. Il Me jeta un regard plein d'enthousiasme, car Mon exclamation lui avait semble confirmer tous ses voeux, et il voyait s'ouvrir devant lui le chemin des honneurs qui lui reviendraient pour avoir prépare la voie au Messie, car Celui-ci lui serait à coup sur fort redevable.

13. Pierre regarda avec étonnement ce Judas qui se montrait si fier et si sûr de lui, mais il se tut, car tout ce qui arrivait ce matin-la lui paraissait fort étrange ; il poursuivit donc son chemin en silence avec les onze autres.

14. Nous étions maintenant à mi-chemin de Béthanie et des portes de Jérusalem. En face de nous, à main gauche, il y avait un village du nom de Bethphagé, aujourd'hui completement disparu. Alors, Je dis à Mes disciples que J'avais besoin de deux d'entre eux pour Me rendre un service. Comme ils se proposaient tous, Je choisis Jean et Pierre et leur dis d'aller au village qu'ils voyaient devant eux. La, près de la première maison, ils trouveraient une ânesse paissant avec son petit. (Marc 11,1.)

15. (Le Seigneur :) « Amenez-Moi cet ânon, car J'ai besoin de lui. Si on vous demande qui vous envoie, répondez seulement : "C'est le Seigneur, Il à besoin de cette bete !", et on vous la donnera. » (Marc 11,2-3.)

16. Les deux disciples obéirent et se dirigèrent aussitôt vers le village, tandis que nous nous installions au bord du chemin, au milieu des buissons et des arbres en fleurs, pour y attendre le retour des messagers.

17. Or, il y avait à Bethphagé un homme du nom de Migram, un ancien lancier romain qui, ayant fait de nombreuses campagnes, avait conquis par son courage et son intelligence une po­sition respectée dans l’armée, et était fort estimé de ses superieurs. Lorsqu'une grave blessure, en le privant de l’usage de sa jambe droite, le contraignit à se retirer, il reçut en cadeau une belle somme d'argent et, devenu un homme libre, fut dispensé de tout impôt. Étant une ancienne connaissance du vieux Marc, il avait cherché la guerison dans l'établissement thermal de son ami.  À son depart, il avait acheté l’ânesse dejà mentionnée et l'avait ramenée chez lui, ou elle servait fidèlement son maître en portant au marché de Jérusalem les produits de son petit jardin.

18. Ce Migram avait beaucoup entendu parler de Moi par son ami Marc, qui l’avait instruit dans Ma doctrine, et il ne se cachait pas d'être Mon partisan, car, en tant que Romain n'ayant affaire qu'aux envoyés et aux citoyens de Rome, il se souciait peu des Juifs de Jérusalem. Or donc, quand les deux disciples arrivèrent devant sa maison et, trouvant les deux bêtes, detachèrent sur-le-champ la plus jeune, le proprietaire sortit en hâte avec quelques personnes qui étaient venues lui acheter des fruits, et leur demanda d'un ton rude ce qui leur prenait de vouloir emmener cet ânon. (Marc 11,4-5.)

19. Jean lui répeta aussitôt Mes paroles, et Migram, tout heureux d'apprendre qu'il s'agissait de Me rendre service, s'empressa de detacher aussi la vieille ânesse afin de Me l’amener lui-même en plus de l’ânon. Les disciples lui dirent bien que le Seigneur n'avait besoin que de l’ânon, mais, dans son zèle, il ne les écouta pas et poussa les bêtes pour arriver plus tôt à l’endroit ou Je Me tenais, si bien que les disciples avaient peine à le suivre.

20. Quand Migram eut amené les bêtes devant Moi, il Me les offrit avec joie, et Je lui dis : « Migram, Je connais ta bonne volonté et te revaudrai ce que tu as fait pour Moi sans hesiter quand Je t'ai envoyé les Miens. Mais pour l’heure, prépare seulement l’animal que Mes disciples t'ont demandé, afin que Je monte dessus.»

21. Ce qu'il fit aussitôt, et, pliant le manteau qu'il portait selon la coutume romaine, il l’étendit sur le dos de la bête. Plusieurs de Mes disciples firent de même, afin de Me procurer un siege plus confortable. (Marc 11,7.)

22. Comme nous étions encore occupés de ces préparatifs, une foule de gens arrivèrent sur la route, revenant de Jérusalem. En nous apercevant, ils coururent à nous, et, en quelques ins­tants, nous fûmes entourés de centaines de personnes qui M'acclamaient bruyamment et Me saluaient comme le sauveur d'lsraël. Or, il y avait là surtout des Juifs venus à Jérusalem pour la fête, et dont beaucoup M'avaient connu lorsque Je voyageais à travers le pays, aussi nous connaissaient-ils déjà comme guérisseurs, Mes disciples et Moi. Ces gens Me célébraient comme leur roi, d'autant que beaucoup parmi eux avaient jadis été nourris mira-culeusement par Moi ; alors déjà, ils avaient voulu Me faire roi, et c'est pourquoi Je M'étais soustrait à eux.

23. Tandis que ces gens M'acclamaient avec enthousiasme, Lazare, qui était parti à Ma recherche, accourut avec ses soeurs et ses plus proches serviteurs. Se frayant un chemin à travers ceux qui M'entouraient, ils vinrent à Moi et se rejouirent de M'avoir retrouvé. Lorsque les gens virent Lazare, que tous connaissaient bien et dont le nom était dans toutes les bouches depuis sa résurrection, leur joie fut à son comble, et ils nous entourèrent en criant « Hosanna ! » et en Me glorifiant. Sans Me défendre de ces demonstrations, Je montai en silence sur l’ânon qu'on M'avait préparé, et il se mit en route pour Jérusalem.

24. Mais, attirée par le vacarme, la foule devenait toujours plus nombreuse et Me suivait. Les gens coupaient des rameaux verdoyants et les répandaient sur la route. Puis ils se mirent à étendre leurs vêtements pour que la bête puisse marcher dessus - car c'étaient là les marques d'honneur par lesquelles on saluait les anciens rois. En arrivant sur le versant du mont des Oliviers qui dominait Jérusalem, nous vîmes que des milliers de gens nous attendaient aux portes de la ville, et que la vallée du Cédron était pleine de monde. (Jean 12,12-16.)

25. Jérusalem était certes une grande cité, mais, au moment de la Paque, elle ne suffisait pas à contenir tous les étrangers qui y venaient. Il était donc d'usage que les plus pauvres, mais aussi ceux qui arrivaient trop tard pour trouver à se loger dans les auberges surchargées, campent en plein air ou sous des tentes dans la vallée du Cédron, dont le sol était considéré comme le plus sacré après celui du Temple. Tous ceux qui s'étaient installés dans cette vallée, ayant appris par la rumeur Ma venue à Jérusalem, venaient donc en foule à notre rencontre afin de Me souhaiter la bienvenue ; ce faisant, ils célébraient hautement Mes actes et principalement la résurrection de Lazare, joignant ainsi leur voix à la louange générale. (Jean 12,17-18.)

26. Quand nous parvînmes à la porte de Jérusalem qui en est l’entrée principale lorsqu'on vient du mont des Oliviers, les gardes romains tentèrent de fermer les portes, craignant qu'il ne se préparat une émeute. Mais ils en furent empêchés par la forte poussée de ceux qui se pressaient pour sortir de la ville, les uns parce que, depuis le parvis du Temple, ils avaient vu le cortège approcher, d'autres pour avoir entendu les acclamations. Quand, en outre, les Romains s'apercurent que la foule venait en paix, agitant des rameaux et des palmes, ils renoncèrent à toute resistance, préférant admirer dans ce cortege un spectacle encore inconnu d'eux, mais qui avait peut-être sa place dans la fête. C'est ainsi que nous entrames sans encombre dans la ville, et la foule nous suivit aussitôt jusqu'au Temple.

 

Chapitre 67

Jésus au Temple

 

1. Entre-temps, les Pharisiens, les prêtres et les serviteurs du Temple, saisis d'une agitation extrême, se demandaient que faire devant une telle manifestation. Ils comprirent bien vite qu'il était impossible de la reprimer par les armes, car cela provoquerait à coup sur un soulevement immediat contre les autorités du Temple, déjà mal aimées. Dans son enthousiasme, le peuple était si enivré qu'on ne pouvait faire retomber celà par la force. Il ne leur restait donc d'autre solution que de laisser faire provisoirement, en attendant, peut-être, un revirement imprévu qui rendrait l’avantage au Temple et renforcerait son prestige.

2. Avant toute chose, le grand prêtre Caïphe recommanda au Sanhedrin, réuni en hâte, d'attendre de savoir ce que Je voulais vraiment, et à quoi Je pensais faire servir toute cette agitation. Si Je voulais Me faire acclamer comme roi, la puissance romaine viendrait aussitôt à leur secours, et si J'en voulais plutôt au Temple et à ses serviteurs, Je ne pourrais pas faire grand-chose sans mettre le peuple en colère, car celui-ci ne se laisserait pas ôter sa foi en Yahve. Il s'agissait donc surtout de patienter et de mettre à profit intelligemment toutes les erreurs que Je pourrais commettre.

3. Quant à eux, les prêtres, ils décidèrent cependant de ne pas se montrer, mais de laisser grandes ouvertes les portes du Temple, afin que sa sainteté même parlât au peuple. On fit donc ouvrir au plus vite toutes les portes, sans même en excepter le saint des saints, cette salle aucun Israélite ne pouvait pénétrer sans préparation, et dont même les prêtres ne foulaient le sol qu'après toutes sortes de cérémonies, de prières et d'ablutions spéciales.

4. D'autre part, on envoya en hâte les serviteurs du Temple annoncer la nouvelle de Ma venue aux marchands, qui se trouvaient à nouveau en grand nombre sous les portiques du Temple, afin d'éviter une scène fâcheuse comme celle que Je leur avais déjà réservée une fois. Mais cette précaution était inutile, car à peine les changeurs et les mar­chands de toute espèce, avertis par les cris à l’extérieur des murs, eurent-ils compris de quoi il s'agissait, qu'ils rassemblerent au plus vite leurs affaires et s'enfuirent, quittant l’édifice avec leurs viles marchandises.

5. Cette deuxième purification du Temple, ou Je n'eus pas à intervenir directement, à donné lieu à des malentendus, car on a cru que la scène décrite précédemment était arrivée lors de Mon entrée solennelle au Temple, alors qu'elle avait eu lieu bien avant, au début de Ma mission d'enseignement. (Matth. 21,12-13.)

6. Quand la foule entra dans le Temple au milieu des cris, on chercha d'abord les prêtres ; les gens voulaient surtout obtenir du grand prêtre Caïphe qu'il M'oignît d'huile sainte afin de Me faire roi, après quoi ils Me conduiraient à la forteresse de Sion pour M'y rendre hommage. - Mais les prêtres restaient introuvables. Alors, traversant la cour sans que nul ne l’en empêchât, la foule entra dans le saint des saints.

7. Les Miens se serraient autour de Moi, fort inquiets, car ils voyaient et entendaient ce que le peuple voulait faire de Moi, et Pierre Me demanda : « Seigneur, que va-t-il arriver ? Vas-Tu Te laisser acclamer ici comme roi d'Israël ? »

8. Je le fis taire et ordonnai aux gens qui M'entouraient de Me faire place, afin que Je puisse entrer au Temple sans être gêné. Quant à ma bête de somme, Je l’avais déjà laissée un peu plus tôt.

9. On M'obéit, et, suivi d'une foule nombreuse, Je traversai les portiques pour entrer dans le sanctuaire, puis, pénétrant dans le saint des saints, Je montai les marches du grand autel des sacrifices.

10. Selon la règle du Temple, le peuple ordinaire n'avait pas le droit de Me suivre là, mais devait rester dans les galeries extérieures, d'où il pouvait assister aux cérémonies des prêtres dans le saint des saints.

11. Les Pharisiens et les grands prêtres avaient fort bien jugé l’humeur chan-geante du peuple ; car, alors qu'il n'eût pas hésité jusque-là à imposer sa volonté aux prêtres s'ils s'étaient montres re­calcitrants, à cause de l’impression produite par le lieu lui-même, ou l’ab­sence des prêtres rendait vaine toute hostilité personnelle, l’agitation générale s'était changée en un silence cérémonieux, et à présent, tous attendaient de voir ce que J'allais faire. De plus, J'avais ordonné aux Miens de rester en arriere, si bien que J'étais desormais seul à la vue de tous.

12. Alors, d'une voix forte, Je parlai au peuple: «L'heure est venue où le monde devra apprendre à ses depens où mènent les voies qu'il à suivies jusqu'ici, et ou chacun devra décider pour lui-même s'il veut ou non venir au Père. Vous M'avez conduit dans cette maison où l’esprit de Dieu demeurait jadis visiblement ; à présent, il à fui ces murs, et ces lieux sont vides. Mais il s'est choisi un autre domicile, et tout homme peut bâtir son propre temple en suivant Ma parole et les enseignements que Je vous ai donnés.

13. Que chacun se laisse porter par l’humilité, et il entrera tout droit dans la maison de Dieu ; elle est vide à présent, mais les actes de l’amour(*) l’empliront à nouveau. Tout acte d'amour est une pierre fondatrice du Temple, et les signes de la sagesse et de la force couronneront ce Temple, afin que l’amour seul en demeure la pierre fon­datrice. Et si Je suis venu à vous, c'est afin que vous appreniez de Moi l’amour que vous méprisiez - non pas l’amour de soi-même, car vous l’avez déjà, mais l’amour du prochain, que vous n'avez pas, mais qui seul peut vous rapprocher de Dieu et vous mener à Lui.

14. Si vous croyez que Je suis et que Je veux être votre roi, sachez donc que Mon royaume n'est pas de ce monde, mais que ce royaume demeure en l’homme dans toute sa gloire, et que c'est là qu'il constitue l’héritage donné par le Père au Fils, et à travers Lui à tous les hommes sur terre et dans les cieux. Aussi, ne comptez pas que Je M'installe au palais de David pour fonder un royaume terrestre! Quiconque veut Me suivre doit Me suivre dans Mes actes, et il sera sauvé. Le Fils vient du Père, et, parce qu'il est au Père, Il est dans le Père et le Père est en Lui, et quiconque suit le Fils suit également le Pere.

15. Amenez-Moi tous ceux dont les corps et les coeurs sont brisés, et Je les guérirai, afin qu'ils soient sauvés(**) ! Mais ceux qui manquent de raison, Je les scandaliserai et ne pourrai pas les sauver ; car celui que Je scandalise est rempli de colère et d'orgueil, et il se passe de l’amour, parce qu'il le trouve stupide et pesant. Mais Je veux guérir vos coeurs, et par eux vos âmes et vos corps ; car la foi ne reside que dans le coeur, et la où elle n'est pas règnent les ténébres. Car la foi que la connaissance à fait grandir est une lumière qui chasse toutes les ténèbres. Aussi, croyez en Moi et dans le Père, et vous verrez et tiendrez loin de vous les ténèbres !

16. En vérité, Je vous le dis : nul ne pourra être sauvé sans la vraie foi ! Quant à ce en quoi vous deviez croire, Je vous l’ai déjà dit. Aussi, conformez-vous à Mes paroles, comme Je l’ai fait Moi-même ! Alors, tous pourront faire ce que J'ai fait, et nul ne pourra plus dire sur cette terre que les voies du salut lui sont fermées.

17. Mais afin que vous puissiez voir comment la force du Père est à l’oeuvre en l’homme, amenez-Moi les malades qui souffrent dans leur corps, afin que Je les guérisse ! »

18. À ces mots, Je descendis de l’autel et Me rendis sous les portiques, où beaucoup de malades attendaient de pouvoir offrir des sacrifices, dans l’espoir d'être gueris par les prières des prêtres. C'était là une pratique courante, particulierement au moment de la Pâque, mais elle était surtout réservée à ceux qui pouvaient apporter une offrande en monnaie d'or, car les prêtres du Temple privilegiaient ce genre de malades. Aussi plus d'un réunissait-il ses dernières possessions pour pouvoir accomplir cette dernière tentative de recouvrer la santé, mais il quittait ensuite le Temple sans être gueri.

19. C'est donc de ces malades que Je M'approchai, et Je leur demandai avec gravité : «Croyez-vous que Dieu, votre Père, pourrait vous guérir si vous Le lui demandiez ? Ou pensez-vous pouvoir guérir avec l’aide des hommes ? »

20. Beaucoup de ces malades sans espoir s'écrièrent : « Maître, Dieu seul peut nous sauver, et, à coup sur, c'est ici, au Temple, que nous sommes le plus proches de Lui ! »

21. D'autres se taisaient, aussi leur de­mandai-Je ensuite quel était leur avis.

22. L'un d'eux (un malade) Me repondit: « Maître, on nous à dit que nous ne pouvions pas être gueris si le grand prêtre ne priait pas pour nous dans le saint des saints, parce qu'il est notre seul intercesseur devant Dieu. Nous devons donc attendre que cela arrive ! »

23. Alors, Je leur demandai : « Croyez-vous donc que Dieu ne peut pas venir à un homme lorsque celui-ci Le prie ? A-t-Il besoin pour cela d'un intermédiaire ? - Croyez, et vous pourrez vous aussi être guéris ! »

24. Le premier orateur reprit: « Maître, nous croyons ce qu'on nous à dit, et pourtant, nous ne sommes pas encore guéris ! Que pouvons-nous donc croire de plus ? »

25. Je repondis : « Croyez que la bonté de Dieu, le Père éternel, est infinie, et qu'il vient à tous ceux qui L'appellent de tout leur coeur ! Croyez que Dieu n'a pas besoin de passer par les hommes pour vous envoyer Sa force, mais que, par son amour de Dieu, tout homme peut attirer à lui cette force, qui, des lors, s'épanouit en lui et peut devenir agissante ! - Peux-tu croire cela ? »

26. Le malade Me regarda fixement et dit : « Maître, je le crois, parce que c'est Toi qui me le dis ; car personne ne nous à encore jamais parlé comme Tu le fais ! »

27. Je dis : « Mes paroles sont la vérité, et, parce qu'elles sont la vérité, elles sont aussi la vie et la force de vie. En tant qu'homme, Je M'y suis toujours conformé, et c'est ainsi que Je suis devenu un maître de la vie. C'est pourquoi Je vous dis à tous : allez, faites de même, mais ne péchez plus, c'est-à-dire, ne faites rien qui soit contraire à l’amour de Dieu et du prochain, et vous resterez en bonne santé et deviendrez des maitres de la vie ! - Levez-vous et marchez ! »

28. À ces mots, les malades sentirent tous leurs maux s'en aller, et ils se levèrent, sains de corps et pleins de vigueur. Alors, la foule qui les entourait se mit à pousser de grands cris de surprise et de joie, et Me loua au-delà de toute mesure. Beaucoup se prosternaient devant Moi, ou cherchaient à saisir Mes mains et Mes vêtements afin de les baiser. Je ne M'en defendis pas, mais les laissai tous s'approcher de Moi.

29. Beaucoup voulurent alors tenter à nouveau d'aller chercher les grands prêtres, afin de mener à bien leur projet de Me faire oindre; mais les prêtres s'étaient si bien cachés que ces emissaires n'en trouvèrent pas trace et durent revenir bredouilles.

30. Comme ils accouraient vers Moi et M'entouraient impétueusement, Je leur commandai le silence et dis à ces faiseurs de roi : « Dites-Moi : celui qui, devant Dieu, est déjà porteur de Sa force, peut-il être placé plus haut sur terre qu'il ne l’est déjà devant Dieu ? »

31. Quelque peu déconcerté, le chef de cette troupe repondit : « Maître, par lui-même, sans doute pas ; mais ses partisans veulent un signe visible de sa puissance - et aussi un signe extérieur, afin que, sous son pouvoir, le peuple soit heureux et non pas opprimé ! »

32. Je dis : « Quand Samuel, sur les instances du peuple, à oint Saül et l'a fait roi, le peuple y a-t-il gagné quelque chose ? Assurement pas la paix, mais le désordre et la guerre. Et pourquoi est-ce arrivé ? Parce que, lassé du joug leger que le Seigneur avait placé sur lui selon sa conduite, il aspirait à la main puissante d'un souverain visible. Et de fait, les rois ne lui ont pas manqué par la suite, car, de nouveau, vous avez un roi en Hérode. Croyez-vous donc que le nouveau roi que vous cherchez en Moi vous apporterait la paix, s'il voulait à son tour être puissant en ce monde ? Hérode et les Romains chercheraient à le détruire, lui et tous ses partisans. Si Je devenais votre roi extérieurement, le malheur, la guerre et la misère s'abattraient sur vous. Et si Je voulais vous apporter la guerre et le meurtre, comment concilier cela avec Ma doc­trine, qui veut que chacun aime son prochain comme lui-même ?! Aussi, renoncez pour Moi à ces apparences -car Mon royaume n'est pas de ce monde -, et édifiez en vous-memes un vrai royaume de paix, ou Je veux bien demeurer à jamais votre roi ! »

33. À ces mots, ceux qui voulaient Me faire roi se detournèrent de Moi avec colère, disant que Je n'étais pas le heros dont le peuple d'Israël pouvait attendre le salut en ce monde aussi bien que dans l’autre.

34. Dépités de Mon refus, les faiseurs de roi s'en furent alors crier leur colère dans la foule. Mais ils ne parvenaient pas encore à detourner les autres de Moi, parce que Mes actes parlaient encore bien trop en Ma faveur, et ils ne pouvaient M'abandonner pour la simple raison que J'avais refusé d'être roi des Juifs.

35. Cependant, après cette agitation tumultueuse, la foule était revenue à un peu plus de calme, et, avec Mes disci­ples, Je mis à profit ce changement d'humeur pour exposer à nouveau Ma doctrine à cette foule nombreuse. Plusieurs grands rassemblements se formerent ainsi et se tinrent separement sous les portiques du Temple.

36. C'est alors que deux Grecs venus pour la fête arrivèrent devant le Temple, n'ayant pas assisté au début de toute cette scène. Or, il était interdit aux non-Juifs d'entrer dans le sanctuaire, ce dont ils étaient avertis par des écriteaux placés sur la frontière qu'ils ne devaient pas franchir. (Jean 12,20.)

37. Ces Grecs, apercevant Philippe sur ladite frontière, lui demandèrent s'ils pouvaient voir Jésus, et si possible lui parler. Philippe, qui pensait devoir respecter l’interdit, n'osa pas les inviter à venir jusqu'à Moi, Aussi en parla-t-il à André, et, comme J'étais au milieu d'une foule d'auditeurs attentifs à Mes paroles, ils vinrent tous deux Me soumettre la demande des deux Grecs, disant que ceux-ci n'osaient pas s'approcher à cause de la foule. Je leur repondis d'aller chercher les deux Grecs et de les inviter à venir jusqu'à Moi. André et Philippe y allèrent et firent ce que J'avais dit, mais les deux Grecs craignaient trop de transgresser l’inter­dit, et ils restèrent à la frontière. (Jean 12,21-22.)

38. Entre-temps, les Juifs du Temple, les prêtres et les Pharisiens avaient remarqué que le calme était revenu, et quelques-uns d'entre eux s'étaient travestis afin de se mêler à la foule et de se rendre compte de la situation. Très vite, ces espions avaient fait cause commune avec ceux qui, voulant un roi, étaient à présent fâchés contre Moi. Ensemble, ils voulaient exciter le peuple contre Moi et le faire changer d'avis. L'un de ces agitateurs travestis était donc maintenant près de Moi, et il se mit à parler avec colère à ceux qui M'entouraient, demandant comment Je pouvais inviter des païens à fouler aux pieds le sanctuaire des Juifs, et donc vouloir le rendre impur. Était-il donc digne du Messie que Je prétendais être de mépriser des coutumes sacrées ? Plusieurs autres à qui Mon invitation avait déplu approuvèrent cet orateur, et un murmure s'éleva.

39. L'ayant fort bien remarqué, Je dis à Jean et à Lazare, qui étaient restés près de Moi, ainsi qu'aux autres disciples : « Voici venue l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié ; car à présent, Il à tout à fait triomphé de Lui-même. En vérite, en vérite, Je vous le dis : si le grain de blé tombe sur la terre et meurt, il demeure seul, sans doute ; mais en mourant, il porte beaucoup de fruit. [Jean 12,23-24.] De même, l’acte auquel vous assistez à présent portera des fruits nombreux. »

40. Alors, designant les Grecs qui se tenaient craintivement à distance, Je dis à haute voix : « Qui aime sa vie la perdra ; et qui hait sa vie en ce monde la conservera pour la vie éternelle. Si quelqu'un Me sert, qu'il Me suive, et où Je suis, là aussi sera Mon serviteur. Et si quelqu'un Me sert, Mon Père l’honorera.» (Jean 12,25-26.)

41. L’orateur qui avait déjà parlé contre Moi à voix basse s'échauffait de plus en plus, disant maintenant: « Voilà un beau Messie, qui invite n'importe qui à le servir, même des païens, afin que son père l’honore ! Qui donc est son père ? Quant à hair ma vie pour conserver une vie éternelle dont je ne sais rien, merci beaucoup ! Je préfère encore celle dont je suis sûr ! »

42. Et les autres Juifs travestis prenaient parti contre Moi de la même manière, cherchant prudemment à retoumer le peuple contre Moi.

43. Cependant, Mon âme sentait que Mon heure était venue, et elle fut attristée à la pensée de la Passion qui approchait, et de la versatilité du peuple ; alors, Je dis à Mon entourage proche : « Maintenant Mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-Moi de cette heure ? Mais c'est pour cela que Je suis venu à cette heure. Père, glorifie Ton nom ! »(Jean 12,27-28a.)

44. Une voix retentit alors, semblant venir du ciel, mais, en vérité, elle resonnait dans le coeur de tous ceux qui pouvaient encore être éveillés à la vie spirituelle : « Je l’ai glorifié et de nouveau Je le glorifierai ! » (Jean 12, 28b.)

45. Ceux qui avaient entendu ce mouvement interieur dirent alors, selon l’état d'éveil de leur esprit, les uns : « C'était un coup de tonnerre ! », d'autres : « Un ange lui à parle. » (Jean 12,29.)

46. Mais aucun n'éprouvait cette voix en lui, et tous l’entendaient à l’extérieur de quelque manière, chacun selon son éveil,

47. C'est pourquoi Je leur dis : « Ce n'est pas pour Moi qu'il y a eu cette voix, mais pour vous ; car c'est maintenant que ce monde vient à son jugement. Maintenant le Prince des ténèbres, qui était prince de ce monde, va être jeté dehors. Et Moi, quand Je serai éleve de terre, Je les attirerai tous à Moi, afin qu'ils viennent au Pere. » (Jean 12,30-33.)

48. Le même orateur Me repondit encore, avec quelques-uns de ses partisans : « Nous avons appris de la Loi que le Christ demeure à jamais. Comment peux-tu dire que le Fils de l’homme doit être éleve ? Qui est ce Fils de l’homme dont tu parles ? Peut-il monter plus haut que cela : être éternel et nous apporter son royaume ? » (Jean 12,34.)

49. Voyant bien que ces obstinés detourneraient toujours Mes paroles, Je leur repondis: « Pour peu de temps en­core la lumière est parmi vous. Marchez tant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous saisissent ! Celui qui marche dans les ténèbres ne sait pas où il va. Tant que vous avez la lumiere, croyez en elle, afin d'être des fils de la lumière et de ne pas devenir fils des ténèbres ! » (Jean 12,35-36.)

50. Ayant prononcé ces paroles, Je Me détournai de ces gens, et nous allâmes rejoindre les paiens sur le parvis du Temple, cette limite extrême que les non-Israelites n'avaient pas le droit de franchir. (Jean 12,37a.)

51. Or, entre-temps, les prêtres et les chefs du Temple avaient appris en détail tout ce qui s'était passé : que la foule s'était apaisée, mais que J'avais refusé de prendre ouvertement le pouvoir, afin de mieux Me faire acclamer comme Seigneur et Roi. Ils savaient aussi que cela avait causé un mécontentement momentané, qu'il fallait mettre à profit rapidement. Tous les prêtres et les lévites reçurent donc l’ordre de former tres vite un splendide cortège. Précédés de trompettes, des hérauts annoncerent au peuple que le grand prêtre avait recu du Seigneur l’ordre d'offrir un grand sacrifice extraordinaire pour expier les péchés du peuple, que le Seigneur Lui-même voyait cela d'un oeil favorable et qu’Il leur pardonnait tous les péchés qu'ils avaient pu commettre depuis une demi-année. Tout le Temple defila en grande pompe et très solennellement, et Caïphe en personne offrit le sacrifice sur le grand autel des holocaustes du Temple.

52. Par cette action, le Temple atteignait son objectif ; car le peuple était encore fort attaché aux anciennes cérémonies et à tout ce qui venait du Temple. En prenant la tournure d'un événement exceptionnel, cette riposte produisit sur les esprits une forte impression, et, avant même la fin de la matinée, il n'était plus du tout question de l’agitation extraordinaire causée dans le peuple par Mon arrivée. Ce jour-là et le suivant, le Temple se montra fort magnanime ; sous les portiques, on of­frit de la nourriture et de l’argent à de nombreux pauvres, on dit des prières, bref, le Temple fit tout ce qui était en son pouvoir pour susciter les meilleurs sentiments envers lui et ses représentants, et détourner ainsi de lui le danger terrible dont Mon influence l’avait me­nacé.

53. Le brillant cortège fit son apparition au moment ou nous atteignions le parvis du Temple. Comme toutes les têtes se tournaient avec curiosité vers ce spectacle inhabituel, nous mîmes cet instant à profit pour quitter sans bruit l’immense édifice afin de retourner chez Lazare.

 



(*) Rappelons qu'en allemand le mot Liebe, "amour", est souvent employé seul pour signifier "amour du prochain" ou "charité" (Nachstenliehe}, en particulier s'agissant des actes d'amour, ou actes de charité, comme cela est explique ensuite. (N.d.T.)

(**) Litteralement, "afin qu'ils soient en bonne santé", mais le mot qui précède, heilen, signifie à la fois "guérir" et "sauver", au sens du salut (Heil) de l’âme. Ces mots sont donc ici interchangeables, et on peut entendre "sauver" chaque fois qu'il est question de "guérir", bien que le double sens ne soit pas toujours apparent. (N.d.T.)