1. Ahab dit : «Ô sagesse, sagesse ! Quelle haute et profonde vérité, et que nous sommes infiniment bêtes et stupides ! C'est une éternelle vérité que rien ne peut exister qui ne procède auparavant d'une activité combative. Moi, le nombril de la bêtise, qui voulais aller trouver tous ceux de Bethléem pour les éclairer ! Les sages de Grèce disent que chaque qualité se conquiert durement, et que tout effet en est la conséquence. Moi qui ne le voyais pas, comment se fait-il que je le voie maintenant ?
2. Oui, tout est vain en l'homme s'il ne vit pas ce combat avec lui-même et avec les conditions de son existence ; tout ce qu'il entreprend de l'extérieur est vain !
3. Je suis parfaitement au clair quant à ces instructifs rapports internes de la vie humaine, et je serais tenté de les définir ici comme les fondements essentiels de l'existence, je n'aurais alors pas manqué mon but !» Je dis : «Parle donc, Je ne veux pas en faire l'analyse avant que tu ne te sois exprimé.»
4. Ahab dit : «Si l'homme ne se donne pas lui-même les facultés qui lui sont imparties dès le début, aucun dieu ne peut les lui accorder sans que ce soit pour sa perte. Toute chose est possible à Dieu bien sûr ! Mais l'homme n'y gagne rien !
5. Qui ne se connaît pas lui-même pour commencer ne peut connaître ni Dieu ni personne. Voilà mon principe Seigneur, suis-je loin de la vérité ?»
6. Je dis : «Non, Ahab Mon ami, tu as vraiment mis le doigt dessus. Ce que l'homme ne s'est pas acquis par ses propres forces, Dieu ne peut ni ne doit le lui accorder !
7. Ne soyez donc pas que des auditeurs prétentieux de Ma parole, mais de zélés travailleurs et vous commencerez à percevoir en vous les bénédictions.
8. La vie est acte et non stagnation. La vie doit être maintenue par l'activité continuelle des forces dont elle est faite. Se reposer ne conserve pas la vie !
9. Ce certain bien-être que vous offre le repos n'est qu'une sorte de mort des forces qui incitent à vivre. Qui demeure de plus en plus dans le calme inactif, notamment des forces vives de l'esprit, y trouve un certain bien-être, mais il se laisse glisser peu à peu dans les bras de la mort dont Dieu ne le libérera pas facilement.
10. Certes, il existe bien un juste calme, plein de vie. Mais il est en Dieu et pour tout homme, il est un sentiment céleste inexprimable de béatitude et de reconnaissance de faire la volonté de Dieu.
11. Cette béatitude et cette connaissance très claire d'avoir fait la volonté de Dieu sont la véritable paix consciente en Dieu, pleine de vie parce que pleine des forces du faire et de l'agir. Tout autre calme est un arrêt des forces de vie, une véritable mort ; et ces diverses forces de vie se retirent, dans la mesure où elles né sont pas réactivées ! Comprends-tu ?»
12. Judas Iscariote dit : «Seigneur, si c'est ainsi, l'homme devrait fuir le sommeil comme la peste, car le sommeil est un repos de certaines forces vitales qui ne sont que les plus extérieures !»
13. Je dis : «Certes, mais précisément les gros dormeurs ne vivent jamais longtemps ! Celui qui dort cinq heures dans sa jeunesse et six heures dans sa vieillesse parvient à un grand âge et garde longtemps un air juvénile, tandis qu'un gros dormeur vieillit plus vite, son visage se ride, ses cheveux grisonnent et, avant l'âge, il n'est plus qu'une ombre !
14. Comme le corps qui dort trop meurt peu à peu, l'âme aussi meurt lorsqu'elle abandonne l'activité qui correspond à Ma parole et à Ma volonté !
15. Quand la paresse se met à nicher dans une âme, le vice y niche aussi rapidement, car la paresse n'est que l'amour et la satisfaction de soi. La paresse fuit toute occasion de faire quelque chose pour les autres, elle n'est au fond qu'une volonté de faire travailler les autres pour satisfaire désirs et besoins égoïstes.
16. Gardez-vous donc tout particulièrement de la paresse, elle est le germe de tous les maux.
17. Prenez pour exemple les bêtes féroces ; elles ne se mettent en action pour détruire que lorsqu'elles sont poussées par leur faim dévorante. La proie saisie, la faim apaisée, elles s'en retournent à leur tanière où elles dorment des jours durant, les serpents notamment !
18. Regardez les voleurs, les assassins, ces gens qui détestent travailler parce qu'ils ont un démon dans la peau : ils végètent tout le jour dans leur repaire. Quand leurs acolytes leur signalent le passage d'une caravane, ils se lèvent et, avec leurs complices, ils tombent sur la caravane, assassinant tout le monde pour ne pas être trahis. Voilà le fruit de la paresse !
19. Encore une fois, gardez-vous de l’oisiveté, elle est le chemin, la porte ouverte à tous les vices imaginables.
20. Le travail fini, un repos mesuré fait du bien aux membres du corps. Mais trop de sommeil est pire que pas de sommeil du tout !»
1. Le Seigneur dit : «Qui a fait un long chemin à pied et atteint enfin une auberge ne va pas immédiatement se reposer ; il fait encore quelques petits mouvements et le lendemain matin, à l'aube, il sera sur pied et, tout le jour, il ne sentira aucune fatigue. Et plus il prolongera son voyage, moins il le sentira !
2. Mais si, fatigué par une journée de marche, à peine arrivé à l'auberge, il se jette sur un lit et ne se relève pas avant midi le lendemain, il reprendra la route les pieds raides et la tête lui tournera. Il finira par devoir abandonner sa route, fatigué et avide de repos ; il arrivera peut-être que, désespéré de voir que personne ne lui vient en aide, il restera couché au bord du chemin !
3. Mais à qui la faute ? À son excessive envie de se reposer et à la folle idée que le repos fortifie l'homme.
4. Celui qui cherche à atteindre un haut degré d'agilité de ses mains ou de ses doigts dans un art ou dans un autre, y parviendra-t-il si, sous prétexte d'atteindre la perfection, au lieu de s'appliquer sans cesse à son exercice, les mains dans les poches, il se promène tout le jour, par crainte de fatiguer ses mains et ses doigts, par peur de les raidir ou de les rendre inaptes à l'art auquel il aspire !
5. En vérité, avec toute Ma sagesse illimitée, Je ne pourrais prédire le moment où un tel artiste pourrait devenir un virtuose ! Pour cela Mes chers amis et frères, Je vous le répète :
6. Il n'y a que l'activité, pour le bien général de l'homme ! Toute la vie n'est que le fruit de l'activité infatigable de Dieu. La vie ne peut être conservée que par l'activité et peut durer éternellement, alors que l'inactivité n'engendre et ne peut engendrer que la mort.
7. Posez vos mains sur votre coeur, vous verrez comme il est actif jour et nuit ! De son activité dépend la vie du corps, et si le coeur s'arrête, Je pense que c'en est fini de la vie naturelle du corps !
8. Si l'arrêt du coeur physique est visiblement le signe de la mort du corps, l'arrêt du cœur de l'âme est la mort de l'âme.
9. Le coeur de l'âme s'appelle l'amour et ses pulsations s'expriment par la véritable et intense activité de l'amour.
10. L'incessante activité de l'amour correspond à cette pulsion du coeur de l'âme qui n'est jamais fatigué. Plus le coeur de l'âme bat avec ferveur, plus la vie de l'âme est intense. Ainsi l'âme atteint un haut degré de vitalité et s'éveille à la vie divine de l'esprit.
11. Cet esprit, qui est la vie la plus pure, parce qu'elle est l'infatigable activité suprême, se déverse dans l'âme qui, par son activité d'amour, devient semblable à lui ; c'est ainsi que cette vie indestructible a pris son commencement dans cette âme.
12. Et voyez-vous, tout vient de cette activité, jamais d'un état de paresse.
13. Fuyez le repos, recherchez l'activité et votre récompense sera la vie éternelle.
14. Ne croyez pas que Je sois venu sur cette terre pour apporter à l'homme la paix et le repos ! Oh non ! L'épée et la guerre !
15. Car les hommes doivent être stimulés par la détresse et les tribulations de toutes sortes, sinon ils deviennent des boeufs gras qui s'engraissent pour leur mort éternelle.
16. Les tribulations et la détresse agissent en l'homme comme la fermentation et engendrent ainsi finalement quelque chose de spirituel.
17. On peut dire bien sûr que la nécessité et les tribulations engendrent la colère, la vengeance, l'assassinat, la jalousie, l'endurcissement du coeur et la persécution. C'est vrai, mais quoique tout cela soit mauvais, c'est encore préférable au repos et à la paresse qui ne font ni le bien ni le mal et qui sont un état de mort.
18. C'est pourquoi Je dis : — soyez à Mon égard parfaitement froids ou parfaitement chauds ! Car je vomirai les tièdes de Ma bouche !
19. Un ennemi énergique M'est plus cher qu'un ami tiède, car l'ennemi énergique M'oblige à agir énergiquement, soit pour le gagner, soit pour le rendre à jamais inoffensif, tandis qu'à côté d'un ami tiède, Je deviens tiède Moi-même, et si Je suis dans la détresse, de quelle utilité Me sera cet ami tiède ?
20. C'est pourquoi un souverain tiède est la perte de son peuple, car il tue l'esprit de son peuple qui ne devient qu'un troupeau de boeufs affamés et de bêtes de somme. Tandis qu'un souverain fort, voire même tyrannique, incite son peuple à être actif et vivant, puisque ce dernier s'applique à éviter les sanctions. Mais si le tyran exagère, le peuple finit toujours par le renverser pour se libérer de ses peines.
21. Je pense avoir suffisamment parlé de la valeur de l'activité et suis convaincu que vous avez tous compris cet enseignement ; ainsi, que celui qui veut et sent en lui le besoin de trouver la paix du sommeil de son corps se cherche un lieu pour dormir, mais que reste ici qui veut veiller la nuit avec Moi ! » Ils s'écrièrent tous : «Seigneur, si Tu veilles, comment pourrions-nous dormir ? Seule Marie, la mère, semble avoir besoin de repos, et Tu pourrais lui dire d'aller se reposer.»
22. Mais Marie, qui somnolait derrière Moi sur un fauteuil, perçut ces mots, se redressa et dit fort aimablement à celui qui parlait : «Ami, toi qui prends toujours la parole pour tes amis, je te dirai que ton souci à mon sujet est quelque peu vain, car vois-tu, par amour pour Mon Seigneur, j'ai veillé déjà des centaines de nuits et je suis toujours en vie. Je veillerai encore beaucoup d'autres et ne perdrai pas la vie pour autant, si telle est Sa volonté ! Ne vous faites donc pas de souci pour moi ! Qu'un seul pense à moi suffit !»
23. Ces mots étaient adressés à Thomas. Ce dernier vint à Marie lui demander de ne pas se méprendre sur ses bonnes intentions. Marie le consola, très heureuse qu'il se soit soucié d'elle ! Et Thomas se sentant le coeur plus léger regagna tranquillement sa place.
24. Il se fit alors un certain silence, personne ne disant mot, tous réfléchissant et trouvant de plus en plus lumineuse la vérité de ce qui avait été dit.
25. Enfin
Matthieu finit par se dire en lui-même : — demain, aux premières heures du
jour, cet enseignement de l'activité et du repos sera écrit en une plaquette
séparée. En aucun cas, le monde ne doit perdre un enseignement aussi important.
Et lorsqu'il se mit à faire jour, Matthieu tint parole. Cet enseignement fut
ainsi longtemps conservé et transmis en Samarie par Jonaël et Jaïruth. Mais
avec le temps, il se déforma progressivement pour finir par disparaître. Tant
qu'il fut en vogue dans le peuple, il fut appelé «le sermon de la nuit.»